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Dossier pulvérisation ciblée « Cibler la pulvérisation augmente l’efficacité du désherbage »

L’automoteur Berthoud Raptor embarque une rampe de 30 m d’envergure, sur laquelle prennent place 11 caméras multispectrales.

La technologie de pulvérisation ciblée développée par Berthoud en collaboration avec Carbon Bee permet à José Godineau de faire des économies de désherbant, mais aussi d’améliorer l’efficience de ses traitements.

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José Godineau produit des céréales, ainsi que de la luzerne fourragère et porte-graine, à Saint-Macaire-du-Bois, en Maine-et-Loire. Ce passionné d’agronomie fait partie des pionniers ayant adopté le télégonflage à la fin des années 1990 sur l’ensemble de leur parc matériel. Soucieux de toujours limiter l’impact de ses pratiques culturales sur ses sols et sur l’environnement, il s'est vu confier dès 2017 l’un des premiers pulvérisateurs automoteurs Berthoud dotés de la technologie de pulvérisation ciblée Spot Spraying, fournie par la start-up française Carbon Bee. « Je voulais un pulvérisateur équipé d’une circulation continue, avec des porte-buses à impulsion PWM, indispensables pour la pulvérisation ciblée, afin de maintenir la taille des gouttelettes, quelle que soit la vitesse. En effet, j’utilise des buses AVI rouges et bleues, qui s’avèrent particulièrement efficaces contre la dérive, expose-t-il. La sélection buse à buse ainsi que l’automatisme de hauteur de rampe Boom Control, qui sont des prérequis à la pulvérisation ciblée, équipaient également ce pulvérisateur. » Onze caméras multispectrales, positionnées sur la rampe de 30 m d’envergure, scrutent la parcelle afin de localiser les adventices à traiter. Il existe deux modes de travail : vert sur marron ou vert sur vert. Le premier consiste à repérer les mauvaises herbes ou les repousses sur un sol nu et à leur appliquer une dose adaptée de désherbant. Le second, plus délicat à maîtriser, permet de dissocier les adventices de la culture en place afin d’optimiser l’utilisation de désherbants sélectifs.

Des modèles évolutifs

« Il a fallu concevoir des modèles, poursuit José Godineau. Petit à petit, le système apprend à reconnaître les plantes à éliminer. En routine “désherbage tout sauf maïs”, l’économie de bouillie s’élève à 66 %. » Outre qu'elle utilise moins de désherbant, cette technique évite également l’application du produit sur l’ensemble de la culture, ce qui limite le risque de dégâts occasionnés à celle-ci. « La vitesse de fonctionnement optimale se situe entre 15 et 20 km/h, selon les cas. Moins elle est élevée, plus grande est la précision. C’est comme l’œil humain, il faut lui laisser le temps de dissocier les mauvaises herbes de la culture. » Le pulvérisateur autorise également l’application en « bi-dose ». Il s’agit dans ce cas de paramétrer une dose de fond, qui sera appliquée sur l’ensemble de la parcelle, puis d’y associer une dose plus forte, ciblée uniquement sur les adventices identifiées. « Cette technique est utile lorsque la culture est au stade 2-3 feuilles. Elle permet de détruire les plantules au stade filament. Les liserons et les mauvaises herbes difficiles à supprimer reçoivent une pleine dose. Lorsque la culture atteint le stade 5-6 feuilles, la dose de fond devient moins utile, puisque les rangs vont se refermer et couvrir le sol. L’idée est d’utiliser la chimie intelligemment, en adaptant la dose au stade de développement de l’adventice. »

Les caméras s’avèrent capables de détecter les mauvaises herbes aussi bien sur sol nu que dans une culture en place.

 

« La quantité de bouillie n’est pas un réel problème »

L’agriculteur estime que cette technologie de pulvérisation ciblée ne doit pas être considérée uniquement comme une solution pour faire des économies de produits phytosanitaires, mais comme l’un des leviers permettant d’accroître l’efficience des pratiques culturales. Par exemple, il chausse son automoteur de pneumatiques plus larges pendant l’hiver, gonflés à 0,6 bar, grâce au télégonflage, afin de limiter le tassement du sol. De plus, ceci lui permet d’élargir les fenêtres d’intervention et ainsi d’accéder aux parcelles lorsque l’efficacité des produits est optimale. « Souvent revient la question de la quantité de bouillie à préparer. Mais ce n’est pas un réel problème. En effet, pendant les traitements, je vois l’économie réalisée. Quand viennent les derniers hectares, je m’appuie donc sur cette valeur pour estimer la quantité de bouillie à préparer. Si jamais il en reste un petit peu à la fin, je fais un passage en plein et, s’il en manque, je refais une petite mise en œuvre. L’idéal serait une injection directe, qui mélangerait le produit et l’eau au fur et à mesure, mais la circulation continue, nécessaire aux porte-buses PWM, imposerait de toujours garder une quantité minimale de bouillie. De plus, cette réserve serait nécessaire pour effacer le délai de latence entre la détection de la plante, l’injection du produit et la pulvérisation », analyse José Godineau.

Pour un bilan carbone moins lourd

L'agriculteur estime que cette utilisation raisonnée des désherbants pourrait être la condition au maintien de l’autorisation de mise sur le marché de certaines molécules controversées. Il porte également une analyse plus globale sur cette pratique : « Si l’on dresse le bilan carbone, les quantités de désherbant, de l’ordre de 1 L/ha sur un itinéraire, n’ont quasiment pas d’impact. De même, le fonctionnement du pulvérisateur engendre une faible consommation en carburant, entre 0,75 et 1 L de GNR par hectare. Pour réaliser le même travail avec une bineuse, il faudrait dix fois plus de carburant. Cependant, je ne veux pas opposer deux méthodes de travail. J’ai une bineuse et je l’utilise lorsque l’action mécanique permet, par exemple, de briser la croûte de battance, en plus d’arracher les adventices. » José Godineau, déjà utilisateur du capteur d’évaluation du statut de nutrition azotée CropXplorer de AgXtend, couplé à son distributeur d’engrais, imagine l’utilisation de son pulvérisateur automoteur pour l’apport d’azote liquide. « Les engrais de synthèse me permettent d’ajuster la fertilisation, en complément des engrais organiques. L’idéal serait de créer un modèle adapté à la fertilisation liquide, en s’appuyant sur la technologie de reconnaissance des plantes équipant déjà le pulvérisateur. »

José Godineau exploite les possibilités offertes par la pulvérisation ciblée depuis 2017 afin de diminuer les doses de désherbants et d’accroître leur efficacité.

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